La voiture.
Un regard socio-anthropologique sur le rapport à l’objet automobile.

Résumé : L’objectif de cette recherche est de caractériser le rapport à l’objet automobile. Il s’agit de comprendre la place de la voiture dans la vie quotidienne, son influence dans la construction identitaire et sociale des individus. Ce travail repose sur l’analyse d’entretiens semi-directifs réalisés auprès d’une cinquantaine de possesseurs de voiture(s), complétée de l’observation de leur « environnement domestique automobile ». De la mise à plat de la diversité des « biographies automobiles » découle la formalisation d’un modèle d’analyse des comportements de consommation automobile. Le rapport à l’automobile est ainsi déconstruit sur la base de trois structures comportementales : l’Attachement, l’Expertise et le LIen social (modèle ELISA). Il en ressort une description fine des éléments constitutifs de ces trois structures, et une analyse des interactions qu’elles entretiennent entre elles. La recherche aboutit également à la mise en évidence de cinq grands profils de consommateurs d’automobile.

Mots-clés : voiture, automobile, socio-anthropologie, consommation, culture matérielle, attachement, expertise, lien social, identité, sociabilité, objet, possession, achat, usage, vie quotidienne, modélisation, profils, induction, échelles d’observation, empirique.

Cette thèse a été soutenue en 2008.






LA VOITURE
Par le collectif La Cité des Choses
CHAPITRE 1 - L'ENCHANTEMENT
« Le vendeur se frotta les mains, flairant la bonne affaire. Ah ! Ah ! Il lui avait bien dit, à son patron, qu’il réussirait à la fourguer cette foutue bagnole ! C’était un Corse, sautillant et volubile, en complet d’alpaga. Il connaissait son monde et attaqua habilement :
- Il faut que vous sachiez, jeune homme, que cette voiture est sortie des usines de Solingen en novembre 1938, très précisément, d’après la plaque du constructeur, le 12 novembre, à 7h30 du matin. C’est dire qu’elle est native du Scorpion et d’un type fortement accusé, puisque son signe ascendant est en liaison dissonante avec Pluton. Si vous vous donnez la peine de calculer le temps sidéral de sa naissance, à la latitude de Solingen, vous constaterez que la plupart des planètes sont alors locataires du Scorpion, en tout cas Mars, Vénus, Mercure et Saturne… Vous devinez les caractéristiques principales du modèle : érotisme et agressivité, dus à l’ambivalence du rapport sexe-anus, autrement dit : admission-compression. Je ne vous dirai pas que c’est une voiture facile à manier. Elle est nerveuse, tourmentée, explosive, affectée d’un complexe de culpabilité, avec tendance à l’autopunition, je veux dire à l’auto-allumage. Mais quelle intelligence de la route ! Quelle sûreté d’intuition ! Et la beauté du diable, n’est-ce pas ? Regardez ce profil fascinant, ce charme démoniaque… Pas vraiment belle, non, mais elle a du chien, comme on dit, et increvable avec ça. Elle a trente ans, et elle en reveut. Vous voulez l’écouter tourner ? »

Maurice Pons, 1968, Le Festin de Sébastien
I - LA SENSIBILITE A L'UNIVERS AUTOMOBILE
Cette partie s’intéresse à la réception par les individus des objets en lien direct ou indirect à l’univers automobile. Il s’agira ici de questionner la manière avec laquelle les individus s’approprient les « produits automobiles » que sont la presse, les lieux de vente, les sites Internet et les émissions télévisées associés à cet univers, etc. L’enchantement associé à l’objet automobile - en lui-même - sera analysé dans la partie suivante : les « petites obsessions automobiles ».
Nous distinguerons ici trois profils. Le premier concerne les individus les plus sensibles à l’univers automobiles, aux objets, espaces et pratiques associés au commerce et à la distribution automobile. Le second présente lui aussi des formes d’attachement, quoique de manière plus détournée. Le dernier est en revanche caractéristique par son relatif détachement.
Cette partie s’intéresse là aussi à la notion d’enchantement. L’attention sera portée cette fois sur l’objet automobile en lui-même. Initialement, la recherche d’A. Rocci sur le processus d’achat nous avait permis de mesurer la diversité des critères en jeu dans le choix d’un véhicule : la marque, le prix, l’esthétique, le confort, les « gadgets », etc. Prolongeant cette démarche d’investigation, nous allons tenter d’appréhender ici comment ces critères se distribuent en fonction de l’attachement de l’individu à l’objet automobile.
Nous distinguerons cinq profils différents. Nous décrirons d’abord deux profils caractérisés par une forme d’attachement très marqué : les amateurs de « l’objet mythe » et les amateurs de « l’objet marque ». Suivront deux profils dont l’attachement - toujours présent - sera de nature un peu différente : les amateurs de « l’objet style » et les amateurs de « l’objet griffe ». Nous retrouverons enfin nos individus les plus détachés pour qui la voiture n’est ni plus, ni moins qu’un « objet à quatre roues et un volant ».
Notons que les profils les plus attachés intègrent toujours la logique des profils dont l’attachement est moins visible. Par exemple, les amateurs de « l’objet mythe » valoriseront également les éléments constitutifs de « l’objet marque » et de « l’objet style ». Les amateurs de « l’objet marque » valoriseront quant à eux les éléments constitutifs de « l’objet style », etc. La logique est cumulative.

III-La valeur symbolique à l'achat
Cette partie s’intéresse aux pratiques d’appropriation matérielle de l’extérieur et de l’intérieur de la voiture. L’idée est de recueillir la diversité des pratiques d’appropriation et d’appréhender la nature des objets en lien direct ou indirect avec l’univers automobile des individus.
Nous identifierons ici quatre profils. Dans le premier profil, l’appropriation matérielle de l’objet nous paraît être le prolongement logique de l’esprit donné à « l’objet mythe ». Dans un second profil, l’appropriation fait écho à « l’objet marque » et à « l’objet style ». Les références seront plus proches de « l’objet marque » lorsque l’élément de l’appropriation célébrera la marque du véhicule (par la présence du macaron, l’apposition du nom de la marque, etc.). Les références seront plus proches de « l’objet style » lorsque la marque n’apparaîtra pas sur les différents éléments participant à l’appropriation matérielle du véhicule. Un troisième profil est identifiable. Dans ce cas, l’appropriation matérielle de la voiture existe bien mais reste très limitée. Il s’agira d’un simple clin d’œil matériel, une petite touche personnelle, rien de plus. A ces trois profils s’ajoute un quatrième. Dans ce dernier cas, la logique d’appropriation matérielle de l’objet n’est pas vraiment recherchée ou simplement absente.


CHAPITRE 2 - L'APPROPRIATION
I-L'appropriation matérielle de la voiture
II-LES "PETITES OBSESSIONS" AUTOMOBILES
Illustration : Marino Degano
Cette partie s’intéresse toujours au processus d’achat de la voiture. L’attention se centre ici plus spécifiquement sur le mode de financement et l’étape de la livraison du nouveau véhicule. Derrière ces informations, l’idée est d’appréhender - un peu plus encore - la valeur subjective que les individus associent à leur nouvelle acquisition.
Nous distinguerons cette fois quatre profils. Pour le premier profil, la voiture sera associée à l’objet de collection, au bijou. Un second profil considèrera l’objet automobile comme un consommable. Dans un troisième profil, la voiture apparaîtra comme un investissement. Un dernier profil décrira l’acquisition de leur véhicule comme une contrainte.


II-La voiture dans les espaces
de la vie quotidienne
Cette partie s’intéresse aux pratiques d’appropriation matérielle du logement par les objets en lien direct ou indirect à l’automobile.
Nous distinguerons trois profils. Chez les plus attachés, l’appropriation matérielle du logement par la voiture frôlera parfois l’invasion. Dans un deuxième profil, nous retrouverons la logique du « clin d’œil » ; l’appropriation sera plus limitée. Puis nous évoquerons quelques-uns des « objets voiture » faisant partie de la base minimale d’appropriation matérielle chez tous les possesseurs de voitures, même chez les plus détachés.


CHAPITRE 3 - L'INCORPORATION
« Tout en conduisant, il effectua bientôt son propre déshabillage : il ne supportait plus de se sentir vêtu dans une voiture dénudée. Ses souliers, ses chaussettes, ses vêtements, un par un, glissèrent sur le plancher. Enchanté, exalté, Sébastien baignait dans un air de douceur et d’apaisement.
Le soir tombait et le soir qui tombe, c’est l’heure glorieuse des routes. Au-dessus de la voiture ouverte, les arbres glissent dans l’eau du ciel, comme les algues d’un grand fleuve. Les ombres frémissent sur l’asphalte, les virages se perdent au cœur de la campagne claire. C’est aussi l’heure de la plus heureuse combustion : dans l’air frais du soir, la pipe du carburateur aspire l’essence avec ivresse, le moteur ronronne de quiétude, sensible au moindre appel.
(…) La voiture prit de la vitesse et se glissa dans la descente avec une légèreté de faucon. Sébastien, au comble de la joie et de la puissance, la menait d’habiles coups de volant, de la droite à la gauche de la chaussée, profitant des meilleurs angles de pente, piquant à la corde dans les virages. Il avait le sentiment de faire corps avec sa voiture, de lui appartenir plus encore qu’elle ne lui appartenait, de faire partie d’elle. Il n’était plus seul, il ne le serait plus jamais. De la pointe des cheveux à l’extrémité des orteils, il partageait les moindres frémissements de son plaisir et en les partageant, il les multipliait. Encore quelques instants de bonheur, et il en oublierait jusqu’au souvenir amer de ses années de solitude »

Maurice Pons, 1968, Le Festin de Sébastien
I-L'action de conduire
Ici, nous nous intéressons à l’action de conduire une voiture. Dans cette partie - comme dans toutes les parties du chapitre sur l’incorporation - il ne s’agit pas d’une analyse de l’activité telle que nous la rencontrons en ergonomie. Cette analyse repose avant tout sur le discours des enquêtés, sur le récit de leur façon de voir et de penser la conduite automobile. Même si nous ne faisons pas d’observations directes des « conduites motrices », nous mesurons en revanche l’importance à donner à de telles analyses. Un approfondissement ethnographique centré sur les pratiques de conduite (analyser l’expérience de la conduite « en train de se faire », le corps à corps avec l’objet) permettrait sans aucun doute d’aller dans le sens de la théorie de la culture matérielle proposée par J.P. Warnier. Un tel approfondissement nous permettrait d’appréhender la matérialité « dans son rapport aux conduites motrices du sujet, comme matrice de subjectivation » (Warnier, 1999). Considérons alors notre approche comme un premier pas allant dans la direction donnée par J.P. Warnier.
Dans cette partie, nous identifierons trois profils de sensibilité. Le premier profil sera remarquable par sa volonté d’être maître à bord et acteur de la conduite. Les individus du second profil seront à l’inverse de véritables angoissés de la conduite, cédant volontiers la place du conducteur. Enfin, comme toujours, nous retrouvons les individus les plus détachés pour qui la conduite a peu d’intérêt sans être pour autant génératrice d’angoisse.


II-Les rapports de force automobiles
Cette partie s’intéresse cette fois au partage de l’espace routier. La conduite automobile apparaît ici comme un territoire plus ou moins disputé.
Nous distinguerons deux profils : ceux qui cherchent les rapports de force ; puis les adeptes de la cohabitation routière.


III-Le rapport à la règle
Cette partie s’intéresse à une autre part fondatrice de l’acte de conduire, à savoir le rapport à la règle. Comment est perçu le Code de la route par nos enquêtés ?
De cette analyse ressort trois profils. Le premier concerne des individus attachés à l’univers automobile mais qui acceptent de se soumettre à la règle. Les individus du second profil, eux aussi attachés à la voiture, ne peuvent s’empêcher de contourner la règle. Les individus du troisième profil, caractéristiques par leur style de conduite plus tranquille, considèrent la règle comme quelque chose de légitime. Ils en sont même parfois de fervents défenseurs.



IV-Le plaisir des sensations de conduite
Cette partie s’intéresse plus spécifiquement aux sensations associées à la conduite automobile.
Quatre profils apparaissent ici. Les trois premiers manifestent chacun à leur manière une forme de plaisir à ressentir la dynamique de l’objet. Nous trouvons ainsi les adeptes de la force brute, les adeptes de la force contenue puis les adeptes de la force tranquille. Un quatrième profil montrera en revanche une sensibilité plus limitée. Dans ce dernier cas, les sensations seront davantage décrites comme des aides à la conduite.



V-Le jeu
Dans cette partie, la conduite automobile sera appréhendée comme un jeu.
Seront présentés ici deux profils : les joueurs ; puis ceux que la conduite n’amusent guère.




VI-La vie à bord
Cette partie s’intéresse aux pratiques associées à la vie à bord.
Nous distinguerons ici deux profils. Le premier concerne les individus qui investissent - d’une manière ou d’une autre - le territoire de l’habitacle : c’est « la voiture à vivre », pour reprendre le célèbre slogan de la marque Renault. Le second réunit les personnes pour lesquelles la voiture est uniquement un lieu de passage, de transition. Pour elles, l’habitacle est un territoire plutôt neutre.




CHAPITRE 4 - LE PUR ET L'IMPUR
PREMIERE PARTIE : L'ATTACHEMENT AUTOMOBILE
CHAPITRE 3 - L'EXPERTISE CULTURELLE
CHAPITRE 2 - L'EXPERTISE FONCTIONNELLE
TROISIEME PARTIE : LE LIEN SOCIAL
CHAPITRE 1 - LE LIEN CONJUGAL
I-La logique de monopole
II-La logique de négociation
III-La logique de partage
CHAPITRE 2 - LE LIEN AMICAL/PROFESSIONNEL
I-La logique d'intégration sélective stricte
II-La logique d'intégration sélective souple
II-La logique d'intégration peu ou non sélective
CHAPITRE 3 - LE LIEN ENFANTS/PARENTS
I-Le contrôle et les débuts de l'autonomie
II-L'autonomie
III-Inversions et dépendance
INTRODUCTION
« Sans regarder, sans voir personne, il marcha vers la torpédo et entreprit de la laver de fond en comble. Il savonna les sièges et les garnitures, il retira les tapis qu’il rinça à grande eau, il brossa le volant, les pédales, les poignées, il frotta et essuya avec ardeur, acharné à faire disparaître sous des flots de mousse savonneuse toute trace de souillure. Sous les tapis, sous la petite banquette arrière, il découvrit des pièces de monnaies françaises, allemandes et espagnoles, des peignes, des mégots, des bonbons fondus, des dents, des épingles à cheveux, des vis, des ressorts, des boulons, des briquets, des bas, des chaussettes, des bigoudis, des chewing-gums, des capotes anglaises, des bourre-pipe, des lacets de chaussures, des scarabées, des slips, des fourchettes, des pansements, des radis, des chapelets, des crucifix, des porte-jarretelles. Il jetait tout. Il savonnait, il frottait. Il fouilla le coffre, la boîte à gants, la caisse à outils ; il jeta encore des chaussettes, des slips, des brosses à habits, du vernis à ongles, des tire-bouchons, des tubes de crème de marron et d’huile solaire, des dés, des cintres, des tubes d’aspirine, des boutons de manchette, des lunettes de soleil, un narghilé, un harmonica et un exemplaire très usagé du Manuel des bonnes manières et de la réussite sociale de la fameuse baronne : ‘Je la veux nue, se disait-il avec rage, je la veux neuve.’ »

Maurice Pons, 1968, Le Festin de Sébastien
I-La chasse à la poussière et aux traces d'usage
Cette partie s’intéresse à l’entretien esthétique de la voiture. Il s’agira ici de questionner la manière avec laquelle les individus nettoient leur véhicule.
Nous distinguerons cinq profils. Le premier concerne les individus les plus sensibles à la propreté de leur voiture. Le second concerne lui aussi des individus exigeants en matière de propreté, mais leurs comportements seront moins systématiques. Le profil suivant est remarquable par le sérieux apporté à l’entretien du véhicule. Le suivant se contentera d’un entretien minimaliste. Le dernier profil sera caractéristique par son relâchement.





II-La chasse aux objets
Cette partie s’intéresse aux pratiques de rangement des objets à l’intérieur du véhicule. La recherche de propreté et l’exigence de rangement ne vont pas systématiquement de pair. Certains individus, pourtant exigeants en termes de propreté, toléreront en effet la présence d’objets éparpillés ici et là dans la voiture. D’autres à l’inverse, moins soumis à l’idéal de pureté, s’attacheront pourtant à disposer d’une voiture vide d’objets.
Nous identifierons deux profils : le premier est adepte du vide et de l’ordre. Le second tolère le désordre, mais il s’agit d’un « fouillis propre ».






III-La chasse aux voleurs
Cette partie s’intéresse au risque de vol et de vandalisme, puis aux pratiques de protection associées à l’usage d’une voiture.
Nous distinguerons deux profils. Le premier concerne les individus les plus angoissés à l’idée de se faire voler leur véhicule ou de subir un acte de vandalisme. Dans le second, les personnes auront conscience du risque mais adopteront un comportement plus fataliste.







IV-La chasse aux rayures
Cette partie s’intéresse au risque de rayure, puis aux pratiques de stationnement des individus.
Nous distinguerons deux profils. Le premier concerne les personnes les plus angoissées à l’idée de retrouver un jour leur véhicule rayé. Les individus du deuxième profil sont eux-mêmes sensibles au risque de rayure, mais leur comportement apparaît plus détaché.








V-Pureté mécanique et services après-vente
Cette partie s’intéresse aux pratiques d’entretien technique de la voiture.
Nous distinguerons trois profils. Il y a d’abord les tenants de la « pureté mécanique », ceux dont l’exigence est la plus forte. Le second profil concerne les individus moins exigeants, à la recherche de solutions de facilité. Le dernier profil est caractéristique par son détachement.









CHAPITRE 5 - MOBILITE ET NOMADISME
« Cette année-là, pour surmonter l’épreuve [de la solitude], il s’imposa, durant trois semaines, les règles d’un jeu automobile qu’il avait inventé : il s’agissait de relier au plus vite, et par les voies les plus directes, les préfectures de tous les départements français, en suivant leur classement dans l’ordre alphabétique. Parti de Bourg, dans l’Ain (01), il devait aboutir en fin de course à Auxerre dans l’Yonne (89). Par économie, et faute de temps, il avait seulement disqualifié la Corse (20). Mais, pendant les vingt et un jours de ses congés, il tissa une toile d’araignée aberrante à travers tout le territoire (…) En vingt et une journées de voyage, il parcourut frénétiquement 37 891 kilomètres, les yeux rivés sur ses compteurs et sur ses cartes. Il passa six fois à Chartres, huit fois à Aurillac, quatorze fois à Moulins, dont il retint seulement, par souci de sa culture, que 111 717 habitants étaient des lecteurs de Marie-Patch et qu’on y célébrait la messe à 7h30, 8h30, 9 heures, 11 heures, 13 heures, 18h30 et 19h15. Tout son budget vacances s’engloutissant dans les pompes à essence et les stations de graissage, il se nourrissait de saucisson, de sandwichs et de fruits qu’il dévorait d’une main en conduisant de l’autre ; il consomma 7 520 litres de super-carburant, 45 litres d’huile monographique, 18 saucissons secs et 14 saucissons à l’ail, 47 kilos de pêches, prunes, raisins et figues avec leurs noyaux et pépins ; il but 1 084 cafés noirs et 1 242 cafés-crème ; il fuma 333 paquets de gauloises ‘Disque bleu’, dont il dévorait machinalement le bout filtre ; il s’envoya à lui-même 89 cartes postales, une de chaque département traversé ».

Maurice Pons, 1968, Le Festin de Sébastien
I-La mobilité
Cette partie s’intéresse aux pratiques de déplacements.
Nous distinguerons deux profils. Le premier, largement dominant, concerne les individus pour lesquels la voiture est un objet indispensable. La mobilité est une valeur essentielle, l’automobilité est un réflexe. Dans le second profil, le détachement est plus visible. La voiture est certes importante, mais surtout « au cas où ».










CHAPITRE 6 - L'ABANDON
« Il descendit de son siège et, s’agenouillant dans l’herbe devant sa voiture, il arracha à deux mains l’aile avant gauche pantelante et la dévora à belles dents : elle était délicieuse, une vraie saveur de tôle et de rouille, humide encore de l’averse du soir et de la rosée du matin. Sa mâchoire incisive tailladait le métal comme une vaste tartine, son estomac gargouillait de plaisir. Par gourmandise, il s’attaqua aussitôt à l’autre aile qu’il engloutit dans l’allégresse, assaisonnant le mets avec des ampoules de phare (…). Elles avaient la saveur acide et piquante des groseilles au piment du Mozambique. Par souci de diététique et parce qu’il ne voulait tout de même pas tenter le sort en abusant de ses dispositions gastriques, Sébastien s’imposa d’ingurgiter le coussin du siège avant droit - moleskine et étoupe de coton -, qui agit sur son estomac comme un pudding un peu compact mais bienfaisant. Pour dessert, il goba l’un des bouchons en plastique vert de la batterie d’accumulateurs - une vraie pastille de menthe. Après quoi, il s’étendit sur la banquette arrière pour digérer et réfléchir un peu.
Il était résolu dans son dessein et confiant dans ses forces. Il savait maintenant qu’il irait jusqu’au bout : quand on aime à ce point sa voiture, il convient de la consommer entièrement. N’est-ce pas la seule façon de la posséder vraiment ? De faire corps avec elle ? Il n’y a pas d’alternative. ».

Maurice Pons, 1968, Le Festin de Sébastien
I-L'abandon
Cette partie s’intéresse aux pratiques associées à la séparation de la voiture.
Nous distinguerons trois profils. Le premier est caractéristique par la tristesse ressentie à l’idée de se séparer du véhicule possédé. Dans le second, la tristesse sera moins visible. Les individus de ce deuxième profil seront surtout très impatients de découvrir leur prochain véhicule. Le dernier profil sera remarquable par son détachement.











DEUXIEME PARTIE : L'EXPERTISE AUTOMOBILE
CHAPITRE I-L'EXPERTISE ECONOMIQUE
CONCLUSION INTERMEDIAIRE
Extrait d'une publicité Volkswagen
Cette partie s’intéresse à l’expertise économique.
Nous allons distinguer deux expertises : « l’expertise comptable » et « l’expertise financière ». Une troisième partie présente ensuite différentes façons de contourner l’expertise.

L’expertise fonctionnelle se décompose en différentes sous-expertises : l’expertise de l’usage de la voiture (le transport de personnes et d’objets), l’expertise technique et mécanique, l’expertise technologique, l’expertise de la conduite, l’expertise de la mobilité. La liste n’est probablement pas exhaustive. Pour chacune de ces expertises, la démarche reste globalement la même. Pour notre démonstration, nous centrerons l’analyse sur l’expertise associée au transport de personnes et d’objets.









Cette partie s’intéresse à l’expertise culturelle automobile.
Ici, nous nous intéresserons à un type d’expertise culturelle : celle concernant le marché automobile, les produits, les nouveautés, les événements de ce marché, etc. Nous parlerons alors d’« expertise marketing ». Une analyse plus approfondie nous permettrait de présenter d’autres formes d’expertises : la voiture et l’art, l’histoire automobile, etc. Par souci de clarté, nous n’analyserons que le premier type et nous évoquerons les pratiques de contournement de l’expertise marketing.









CONCLUSION INTERMEDIAIRE
CONCLUSION INTERMEDIAIRE
CONCLUSION GENERALE
Cette partie s’intéresse à la construction du lien conjugal. Il s’agira ici d’identifier les différentes pratiques de contrôle, de négociation, de don, de partage autour de l’achat et de l’usage de l’objet automobile. C’est probablement la recherche réalisée par M. Mabit qui nous a le plus encouragés à questionner en profondeur ces problématiques. Dans son analyse centrée sur les possesseurs de berlines de gamme moyenne supérieure (le segment M2 ; par exemple la Renault Laguna), l’auteur nous donne à voir différentes « scénettes conjugales » autour de la voiture. Déjà, à travers ses écrits, nous percevons que l’acquisition, la possession et l’usage d’un ou plusieurs véhicule(s) peuvent générer autant le consensus que le conflit. Nous retrouvons des observations semblables dans l’analyse de S. Vincent au sujet des possesseurs de monospaces. La voiture peut donc participer de manière active à la construction du couple. Notre objectif est de pousser le questionnement dans ce sens. A ce niveau, la recherche s’apparente à celle de J.C. Kaufmann lorsqu’il analyse le couple par son linge. Même si la nature des observations diffère - l’objet analysé n’étant pas le même - le parallèle est pour le moins amusant. Il écrit [j’écris] : « Le linge [la voiture] est une mémoire du rôle féminin [masculin] modifié par l’idée d’égalité. Car il [elle] est [chez certains] un marqueur essentiel de l’identité personnelle bousculée par la constitution du nous conjugal (…) La rencontre des partenaires conjugaux déclenche [ou pas] une véritable guerre dans ces fondements identitaires et les gestes qui les signalent, avec ces questions lancinantes, rarement résolues : que maintenir au nom du je ? que réformer au nom du nous ? comment réformer ? (…) Partout, à chaque instant, le linge [la voiture] porte les traces laissées par cette guerre, révélant l’intensité des combats, la finesse des stratégies. Il suffit alors de suivre ces traces pour en apprendre beaucoup plus sur le couple qu’on ne le ferait en s’interrogeant ouvertement sur lui » (Kaufmann, 1992). Si le passage du permis nous apparaît assez clairement comme un marqueur de passage à l’âge adulte, peut-on dire - à l’instar du lave-linge (Kaufmann, 1992) - que l’acquisition d’une voiture fait partie des « indicateurs de conjugalité » ? La voiture est-elle intégrée au processus - aujourd’hui plus lent - de l’intégration conjugale ? Pour y répondre, nous allons analyser ici sept formes de lien conjugal autour de la voiture. La notion d’égalité entre les partenaires sera un indicateur central. Les premiers profils seront caractéristiques par la tendance à l’appropriation quasi monopolistique de l’objet par l’un des deux partenaires. Les derniers profils présentés seront quant à eux remarquables par l’affirmation et la mise en application d’une logique de partage de l’objet.

Une mise en garde nous paraît ici nécessaire. Notre recherche ne concerne que la voiture. Aussi, les éventuelles asymétries, les conflits, les déséquilibres mis en avant à travers l’analyse des cas présentés ci-dessous sont à nuancer. Lorsqu’un déséquilibre conjugal apparaît à travers le choix et l’usage de la voiture, il est fort probable que des formes de compensation existent - en même temps - à travers la consommation d’autres objets comme à travers la mise en œuvre d’autres pratiques de la vie quotidienne. Autrement dit, les limites de notre recherche nous invitent à ne pas de juger trop vite la nature de la relation conjugale mise en avant dans tel ou tel cas.









Illustration de Marino Degano, magazine Auto-moto
Une réinterprétation fonctionnelle de la voiture. Oeuvre exposée au Palais de Tokyo, Paris
César, 1961
Compression 'Zim'
Automobile Zim compressée
Cette partie s’intéresse à la construction du lien amical et professionnel. Les trois premiers profils présentés sont des exemples caractéristiques de la construction d’un lien social de nature sélective.








Cette partie s’intéresse aux étapes de l’enfance, de l’adolescence puis à celle du « jeune adulte ». Elle questionne le rôle de la voiture dans le processus de socialisation entre les enfants et leurs parents.







Extrait d'une publicité Mercedes
Illustration de Marino Degano, magazine Auto-moto